Saint Dominique de Soriano


L’IMAGE DE SAINT DOMINIQUE À SORIANO (?, VERS 1680)

Image miracvlevse de S. Dominiqve
GRAVEUR NON IDENTIFIÉ ; MONOGRAMME L P D F (?)
S. d. [vers 1680[1]]
Eau forte et burin
Épreuve rognée : 16,6 x 12,2 cm
France, Grenoble, Bibliothèque municipale – cote : F.25482.

© Claire Rousseau

[1] Information du catalogue de la bibliothèque municipale de Grenoble.

 

 

 

Lettre
1. Dans le cadre octogonal
IMAGE MIRACVLEVSE DE S. DOMINIQVE APORTÉE DV CIEL A SORIANO PAR LA MERE DE IESVS ACCOMPAGNEE DE Ste MARIE MAGDELAINE ET DE Ste CATHERINE VIERGE ET M.
2. Dans la bordure du haut de l’image
IL GVERIT LES INCVRABLES. DEFEND DES HERESIES ET SORTILEGES. CONVERTIT LES PECHEVRS
3. Dans une bordure le long du segment oblique inférieur gauche du cadre octogonal, de haut en bas
IL IMPETRE DE BIEN MOVRIR
4. Dans une bordure le long du segment oblique inférieur droit du cadre octogonal, de bas en haut
IL FAICT CESSER LA MORTALITÉ
5. Dans la bordure du bas de l’image
IL DELIVRE DV PVRGATOIRE. COMMANDE AVX ELEMENTS. APPAISE LES TROIS FLEAUX
6. Sous le cadre de l’image, en deux colonnes
Colonne de gauche : Tu vois en ce pourtrait l’autheur du S. Rosaire / triompher de la mort et de nostre adversaire ;
Colonne de droite : Chretien tourne vers luy et ton cœur et tes yeux, / si tu ueux trionfer icy et dans les cieux. [Monogramme non déchiffré : L P D F (?)]

Image
Une scène principale incluse dans un octogonal plus haut que large, est insérée dans un cadre. Les écoinçons formés par cette disposition offrent chacun une scène.
Dans la scène principale, la Vierge Marie, voilée et couronnée, tient des deux mains la toile sur laquelle figure l’effigie en pied de saint Dominique, une étoile sur le front, un livre fermé debout dans la main gauche et une branche de lys dans la droite. À gauche, sainte Catherine d’Alexandrie, couronnée et parée de bijoux, tient d’une main la palme des martyrs et de l’autre l’épée, instrument de son supplice, baissée vers le sol. De l’autre côté de la Vierge, sainte Marie-Madeleine, les cheveux dénoués sous son voile, tient à hauteur de poitrine un vase d’aromates, l’un de ses attributs. Trois figures complètent le bas de la scène. Sous la toile de Soriano, un homme dénudé à l’exception du sexe gît, la tête reposant sur une sorte de traversin. Il est vraisemblablement entre vie et mort et, selon la lettre, regarde l’effigie de saint Dominique pour être sauvé. Près de lui, sur la droite de l’image, une femme, sans doute une proche de ce mourant, prie, agenouillée, le rosaire passé entre ses mains. À la tête du mourant, une autre délivrance est dépeinte par un homme de la bouche de qui s’échappe un démon.
Dans l’écoinçon supérieur gauche, des incurables sont guéris par l’invocation de saint Dominique qui leur apparaît dans la nuée. L’écoinçon supérieur droit illustre la conversion de pécheurs agenouillés pour écouter saint Dominique leur prêchant depuis la nuée. L’écoinçon inférieur gauche dépeint tout à la fois la maîtrise des éléments naturels et le salut des âmes du purgatoire. Quant à celui de droite, il dote saint Dominique de pouvoirs quasi divins sur la guerre (maisons brûlant), la famine (ange tenant en main une épée, un plant desséché et une tête de mort), la peste (bêtes mourant), trois fléaux dits de la colère de Dieu.

États
Un seul état : France, Grenoble, Bibliothèque municipale – cote : F.25482

Commentaire
Si l’étude n’a pas permis d’associer le monogramme à un graveur et de confirmer la date de sa création, le document n’en est pas moins exceptionnel dans la collecte.
L’image est unique en son genre parmi les gravures françaises. Son auteur ne s’est pas contenté de représenter le don de l’image de Soriano ; il a déployé dans le même espace les bénéfices génériques de la dévotion à saint Dominique qualifié d’« autheur du S. Rosaire ». Or, saint Dominique s’avère être comme un nouveau Christ, triomphant aussi bien des fléaux divins que de la mort elle-même. Les récits plus anciens qui faisaient déjà état des « pouvoirs » de Dominique étaient toujours des événements circonstanciés. Ici, l’activité thaumaturgique et apologétique du saint devient universelle. L’image fut-elle utilisée à des fins apotropaïques ?
Enfin, cette estampe est conservée collée sur une feuille de papier vergé ancienne, vraisemblablement datant du XVIIe siècle, sur laquelle est également collé en vis-à-vis dans la partie gauche un éloge en langue latine, signé P. L., Pierre Labbé (1596-1678), jésuite affectant ce genre littéraire. Cet éloge est également conservé en feuille volante en plusieurs exemplaires à la Bibliothèque municipale de Grenoble et en un exemplaire à la Bibliothèque nationale de France à Paris (cote : 4-OO-321). Le texte peut être daté des années 1660-1670, années durant lesquelles l’auteur publia plusieurs ouvrages à Grenoble, mais il peut également être bien antérieur et avoir été imprimé ailleurs, à Lyon par exemple, où Pierre Labbé fut bibliothécaire du collège de la Sainte-Trinité. En outre, il est difficile de dire si l’éloge fut « commandé » au jésuite par les dominicains ou bien si Pierre Labbé, prolixe dans ce genre et maniant un style précieux, en fut l’initiateur[1]. L’impression du texte en un tirage non évalué en volume laisse supposer qu’il satisfaisait au moins ses diffuseurs, sans doute les dominicains eux-mêmes.
Cependant est-il pertinent, à partir d’un unique exemplaire, d’émettre l’hypothèse que texte et image furent proposés assemblés aux fidèles fréquentant le couvent des dominicains de Grenoble ou/et celui de Vienne en Dauphiné ?

[1] Sur l’activité littéraire de Pierre Labbé, voir l’appréciation de son successeur Dominique de Colonia, auteur d’une Histoire de Lyon, transcrite dans le supplément au Dictionnaire de Louis Moréri. Claude-Pierre GOUJET (1697-1767), Nouveau supplement au grand Dictionnaire historique, genealogique, geographique, &c. de M. Louis Moreri, Pour servir à la derniere Edition de 1732. Tome second, H-Z, A Paris, Chez Jacques Vincent, rue & vis-à-vis l’Eglise Saint-Severin, à l’Ange. J. B. Coignard & A. Boudet, rue Saint Jacques, à la Bible d’or. P. G. Le Mercier, rue Saint Jacques, au Livre d’or. J. Desaint & Ch. Saillant, rue Saint Jean de Beauvais, vis-àvis le Collége. Jean-Thomas Herissant, rue S. Jacques, à S. Paul & à S. Hilaire, 1749, p. 2.

Texte de l’éloge associé à l’estampe :
S. DOMINICI / ELOGIVM / Sta quisqui es, / AD STELLAM, ET ROSAM, ET COLVMNAM. / DOMINICVS ante ortum stella, postquàm adoleuit, sol fuit, / Grauida mater intra vterum stellam sensit : / Dum stellam gerit, nonne hic vterus cœlum fuit ? / Illustrauit hæc stella orbem terrarum, / Et Dominicus tot stellis ordinem impleuit, / Vt stellarum ordo appellari hic ordo possit. / Et Rosa Ecclesiæ Dominicus fuit, / Ante Dominicum Ecclesia spinarum hortus erat, non florum, / Inseruit Rosas Dominicus, & Rosariis orbem impleuit, / Placuêre Rosæ Deiparæ Virgini, / Et per Rosaria Dominicus ad cœlum iuit, / Et nunc per Rosas Dominici patet iter ad cœlum : / Et Columna fuit Ecclesiæ Dominicus. / Ne dubites, Innocentius rem definiuit, dum vidit, / Vidit nutantem Ecclesiam, & Dominicum succolantem, / Grande decus Atlantem esse Ecclesiæ, non fabulosum, sed verum, / Fundamentum Ecclesiæ Petrus est, & Columna Dominicus, / Plus aliquid diceret Columna, quàm Petra, / Nisi Petra esset Petrus, / Deesse nihil videtur magno Ordini, nisi Ecclesiæ claues, / Gerunt illas Inquisitores fidei, & doctrinæ Censores. / Dixi qualis sit Dominicus, / Minor est Domino, sed est Dominicus. / P. L.