TAULER, Jean (Strasbourg, vers 1300-16 juin 1361, Strasbourg)
Statut dans l’Ordre : prêtre du Premier Ordre
Biographie
« D’après une chronique du XVe siècle, ‘frère Jean que l’on nomme Tauler, est un amoureux de Dieu et un fervent prédicateur’. Demeuré fidèle à la doctrine spirituelle de Maître Eckhart, Jean Tauler (1300-1361) poursuit l’œuvre de ‘cet admirable maître que certains ont compris à partir du temps alors qu’il parlait à partir de l’éternité’.
Né à Strasbourg vers 1300, Jean Tauler entre au couvent des Dominicains de sa ville natale en 1315. Chargé de la prédication auprès des moniales dominicaines, des béguines et des laïcs, il prêche toujours en moyen haut-allemand et retraduit la théologie de Maître Eckhart avec des métaphores empruntées à la vie quotidienne. Ses sermons portent l’empreinte du mystère de la naissance du Verbe de Dieu dans l’âme. La Gottesgeburt, ‘c’est Dieu qui tous les jours et à toute heure, naît en vérité, spirituellement, par la grâce et l’amour, dans une bonne âme’. Contraint à l’exil, avec ses frères, dont Jean de Dambach (+ 1372) lors de l’Interdit prononcé par le pape Jean XXII sur la ville de Strasbourg, Jean Tauler trouve refuge à Bâle entre 1342 et 1343. Il y rencontre les ‘Amis de Dieu’, un cercle de prêtres, de religieux, de religieuses et de laïcs qui, soucieux de radicalité évangélique suivent les enseignements du prêtre Henri de Nördlingen (1300-1373). De retour à Strasbourg, il aide son disciple Ruhlmann Merswin (1307-1382) à promouvoir le mouvement dans l’Ermitage Saint-Jean de l’Ile verte, sur le site actuel de l’E.N.A. Jean Tauler meurt le 16 juin 1361, au couvent des dominicaines de Saint-Nicolas-aux-Ondes.
Pour honorer sa mémoire, Ruhlman Merswin et les ‘Amis de Dieu’ de Strasbourg font alors réaliser une pierre tombale qui est conservée dans l’église du Temple-Neuf de Strasbourg, sur le site de l’ancien couvent des frères dominicains, le couvent Saint-Barthélémy, détruit en 1870. Cette tombe de grès rose est non seulement un hommage au frère prêcheur et Lebemeister, mais aussi un portrait idéal et symbolique de l’ami de Dieu. La figure du prédicateur est entourée d’une inscription : ‘En l’an du Seigneur 1361, le 16 juin (fête de) Cyr et Juliette, frère Joh. Ta(ule)r’. Debout, revêtu de son habit et de sa chape, le frère dominicain, tel le prophète Jean-Baptiste, désigne l’Agneau de Dieu (Jn 1, 36). Figure du Christ, avec l’étendard de la résurrection, l’Agneau vainqueur est juché sur le plat d’un livre fermé par sept sceaux. Conformément au livre de l’Apocalypse (Ap 6, 1), seul l’Agneau peut ouvrir au sens des Écritures. Sur sa poitrine, Jean Tauler arbore un monogramme. L’inscription JHS et le T, ou Tau, sont des abréviations de Johannes Tauler. Symbole de la Croix, le Tau est aussi le signe dont sont marqués les serviteurs de Dieu (Ap 7, 3). Ce monogramme est surmonté de la couronne de vie donnée à tout témoin « fidèle jusqu’à la mort » (Ap 2, 10). Enfin, sur toute la longueur de la dalle, une colonne, surmontée d’un IN qui précède l’expression XTO IHV, désigne l’ami de Dieu comme une colonne de l’Église fondée dans le Christ Jésus. C’est quasiment une citation dans la pierre, d’un sermon prêché par Jean Tauler pour la fête de la nativité de Jean Baptiste. ‘Ces gens ne goûtent que Dieu et rien d’autre… Ce sont des hommes tout aimables : ils portent le monde entier : ils sont les nobles colonnes du monde. Pour celui qui tiendrait en cet état, quelle délicieuse félicité’.
La postérité de Jean Tauler est considérable. Ses quatre-vingt sermons influencent la doctrine de Martin Luther et le Piétisme luthérien, mais aussi les arts, tels l’œuvre musicale de Jean-Sébastien Bach et l’œuvre peint du paysagiste romantique allemand Caspar-David Friedrich. Traduite en latin, par le jésuite Pierre Canisisus et le chartreux Laurent Surius de Cologne, pour promouvoir une ‘réforme de l’homme intérieur’, son œuvre inspire les mystiques du Carmel espagnol, tels Jean de la Croix et Thérèse d’Avila, ainsi que l’Ecole française de spiritualité, avec notamment le cardinal de Bérulle qui affirme que ‘l’homme est un néant capable de Dieu[1]’ ».
[1] Rémy Valléjo, « Jean Tauler et l’homme intérieur », Rémy Casin ; Rémy Valléjo, Dominicains 1216-1516. Lumières médiévales de la prédication aux cathares à la défense des indiens, Paris ; Strasbourg, Le Cerf ; Éd. du Centre Emmanuel Mounier, 2016, p. 112.
Portraits et autres figurations gravées antérieurs à 1720
1685
LAUWERS Conrad (vers 1632-vers 1685), graveur ; d’après FRUYTIERS Philip (1610-1666), dessinateur, [Jean Tauler], s. d. [1685]. Burin, c. de pl. : 28,7 x 16,7 cm. Planche pour Johannes de LIXBONA (?-1670), Gheestelycke Sermoonen ghemaeckt door den hoogh-verlichten leeraer Joannes Tavlervs van d’orden der predick-heeren Op alle de Sondaghen ende Heyligh-daghen van het gheheel Iaer, Nu van nieuws over-gheset in claerder duytsche taele, met aen-wijsinghe der plaetsen, die de Ketters vervalscht ofte achter-gelaeten hadden, als oock met nieuwe tafels der Sermoonen ende Materien verciert Door den Eerw. P. Joannes De Lixbona religieus der selver Orden. Hier is oock by-ghevoeght De naevolghinghe des armen leven Christi ghemaeckt van den selven Joannes Taulerus, ende onlanghs overgheset uyt het Hoogh-duytsch door P. Gabriel van Antwerpen Priester Capucien. Den lesten Druck van nieuws oversien ende verbetert, T’Antwerpen, By Hieronymus Verdussen den Jonghere, woonende op d’oude Coremert inde Gulde Tes, 1685. Belgique, Anvers, Museum Plantin-Moretus – cote : A 2905.