Pour Jacques Aubin.
Pour Robert Guneau.
Tous les esprits sont désormais tournés vers le déconfinement.
Quand va-t-il advenir ? Comment va-t-il se dérouler ?
Et que faire de cette expérience inédite du temps de confinement ?
Pour l’Église, le temps n’est pas encore venu de retrouver les assemblées liturgiques et le libre élan missionnaire.
La fête de la Pentecôte n’est pas encore là. Et il convient, comme les apôtres, de demeurer assidu à la prière en nos lieux de confinement.
Et puisque du temps nous est encore octroyé, pourquoi ne pas continuer à découvrir les trésors enfouis dans nos bibliothèques ?
En 1279, Philippe III le Hardi commanda à son confesseur, le dominicain Laurent du Bois (Laurent d’Orléans), un manuel d’instruction religieuse et morale. Frère Laurent articula sa Somme autour de commentaires des Dix commandements, des articles de la foi (Credo), des sept péchés capitaux, des sept dons de l’Esprit et des quatre vertus cardinales.
L’ouvrage eut un tel succès auprès des laïcs fortunés qu’il fut copié pendant plusieurs siècles et il est possible d’en consulter aujourd’hui un peu plus de 90 manuscrits.
Ils se lisent facilement puisque leur texte est en français et que certains exemplaires sont numérisés.
Celui daté de 1311, conservé à la Bibliothèque nationale de France, fut calligraphié en 214 folios par Lambert le Petit et richement enluminé par le Maître d’Amiens, avec 21 miniatures en pleine page, de nombreuses lettrines et des bordures où ne cessent de courir les lapins. Le format (21,5 x 15) cm prouve que l’ouvrage était fait pour un usage pratique stimulant la méditation, même si l’esprit se laissait parfois distraire par tant de fantaisie.
Les lapins sont parfois goguenards ; ils jouent de la trompette, bondissent mais sont aussi pourchassés.
Les oiseaux – dont la cigogne – et les créatures imaginaires, tel le dragon, complètent un bestiaire naïf et, par là, ravissant.
Mais toujours, les pleines pages, et le texte bien sûr, ramènent le cœur vers le Seigneur et vers sa Mère, Marie, à qui ce mois de mai est dédié.
C’est aussi durant un mois de mai que ce manuscrit fut achevé.
Et puisque La Somme le Roi fut rédigée pour être lue, n’hésitez pas à vous plonger dans l’un ou l’autre de ses exemplaires numérisés sur Gallica ou sur le site de la Bibliothèque royale de Belgique (KBR).
À suivre dans un prochain article…
Source :
Frère Laurent du Bois, La Somme le Roi, 1311.
BnF, Ms 6329.
De haut en bas : fol. 90v (Pentecôte), 8v (fin du deuxième commandement ; début du troisième), 1v (Jeanne au pied de la Vierge Marie).
Ce manuscrit fut exécuté en 1311 pour Jeanne, comtesse d’Eu et de Guines, fille de Baudouin de Guines, châtelain de Bourbourg, seigneur d’Ardres, et de Jeanne de Montmorency, et veuve de Jean II de Brienne, comte d’Eu (mort en 1302). Son portrait en prière au fol. 1v et le colophon au fol. 213v l’attestent : « Chest livre fist escrire trés haute et trés noble dame madame Johane, contesse de Eu et de Guynes, a Lambert le Petit, en l’an de l’incarnation nostre seigneur Jhesu Crist mil et CCC et XI, du mois de may. Deo gracias. »