Pour Frère François Daguet.
Pourquoi sainte Catherine de Sienne est-elle si peu mise en valeur et vénérée de nos jours en France ?
Plusieurs réponses peuvent être esquissées et nous ne proposerons ici qu’une piste de réflexion.
Les écrits de Catherine de Sienne, Docteur de l’Église, et ses biographies empruntent, pour traduire des vérités dérangeantes, un langage et un vocabulaire devenus incompréhensibles.
En outre, la vie de Catherine surabonde de faits extraordinaires que le lecteur contemporain a du mal à appréhender et à analyser : stigmatisation, échange de cœurs avec le Christ (voir estampe ci-contre), noces mystiques, communion miraculeuse, etc.
Pourtant, l’existence de Catherine et son message sont en réalité d’une étonnante simplicité et d’une grande limpidité. Catherine est entièrement saisie et polarisée par le Christ venu sauver les hommes. Pour Catherine, ce n’est pas une notion théologique lointaine ; le Christ en son humanité a versé son sang pour le salut et c’est de son côté transpercé qu’est née son unique épouse, l’Église.
Catherine est épouse du Christ parce qu’elle est fille de cette Église pour qui le Christ a tout donné.
Mais ne se substituant pas à l’Église resplendissante, Catherine, consciente du prix de salut, préférait en porter dans sa chair les marques et être couronnée d’épines, par communion au prix payé par le Christ.
C’est pourquoi, c’est dans le sang du Christ que Catherine rédige ses lettres, interpelle et invite chacun à prendre la mesure de la folie du don de Dieu. Pour dire l’Amour du Christ, rien n’est plus éloquent à ses yeux que le signe du sang versé.
Car seul le sang du Christ lave du péché.
Le propos n’est pas plaisant. Qui voudrait faire dépendre sa vie du sang versé par un Dieu fait homme ?
Mais c’est le rôle de l’Église de rappeler aux hommes le rachat par le sang.
Et Catherine, fille de l’Église, n’a de cesse de le faire savoir.
En Église, avec l’Église, Catherine tient haut l’Amour du Christ, lumière pour un monde déchiré et blessé. Le regard rivé sur le Christ crucifié, elle oriente chacun vers l’Amour vainqueur ; personne ne saurait faire l’économie de la contemplation du Christ en croix.
Mieux, Catherine invite à établir sa demeure dans le cœur du Christ, dans ce cœur blessé d’Amour. C’est là que l’Église y est établie reine.
Le langage de Catherine est puissant parce que fort est l’Amour, fort comme la mort, plus fort que la mort. Ce langage est celui-là même de la Foi, transmis par les Écritures, les apôtres, les saints, les théologiens, les mystiques, les ascétiques, les chrétiens, hommes et femmes. Il n’est pas d’autre langage.
Voilà pourquoi Catherine de Sienne est Docteur de l’Église.
Consumée d’amour par cette consommation d’Amour, Catherine use de ce langage aussi éblouissant que la Foi elle-même.
Saisie par cette vérité purifiante, elle n’a d’autre désir que le Christ lui-même et d’entraîner les hommes au Christ.
Dans une folle liberté, elle se donne totalement au Christ et à son Épouse, l’Église.
Dans une folle liberté, le Christ se donne à elle, la faisant épouse.
Dans l’intimité, leur désir est un : le salut des hommes. Et si seul le Christ accorde le salut, Catherine se jette dans l’action comme dans la prière, avec la même intensité pour que ce salut touche le cœur de tous, puissants ou simples pécheurs. L’Esprit lui donne cette audace de commencer ses lettres par ces mots coruscants : « Je vous écris dans son précieux sang« .
Il n’est pas trop, une fois par an, au jour de sa fête, le 29 avril, de redécouvrir l’incandescence du message de Catherine de Sienne.
Pour vous y aider, n’hésitez pas à écouter la présentation qu’en donnèrent Christiane Rancé, François Daguet et Régis Burnet, ici.
Estampes, de haut en bas
1. Cornelis Galle (1576-1650), graveur ; Philips Galle (1537-1612), éditeur, L’échange des cœurs entre le Christ et sainte Catherine de Sienne, 1603. Burin, 15 x 9 cm. Rijksmuseum, RP-P-OB-5985.
2. Michael Snijders (1586-1672), éditeur, La naissance de l’Église-Épouse par la Passion du Christ, s. d. Burin, 13,2 x 7,8 cm. Rijksmuseum, RP-P-1904-1232.
3. Cornelis II Galle (1642-1678/1679), Le Christ et l’Église, s. d. Burin, dimensions non renseignées, Stedelijk Museum Breda.
4. Ex. sur parchemin enluminé. Museum Catharijneconvent.
5. Dirck Volckertsz. Coornhert (1522-1590), graveur, Allégorie du baptême, 1557-1561. Eau-forte et burin, 38 x 25,4 cm. Rijksmuseum, RP-P-BI-6538A.
6. Jan Luyken (1649-1712), graveur ; Gijsbert De Groot (?-?), éditeur, La Foi de l’Église guidant vers le Christ en Croix, 1691. Eau-forte, 11,5 x 6,2 cm. Rijksmuseum, RP-P-1896-A-19368-859.
7. Hieronymus II Wierix (1553-1619), La montée de l’âme dans le cœur du Crucifié, s. d. Burin, 8,9 x 6,1 cm. Rijksmuseum, RP-P-OB-66.895.
8. Hieronymus II Wierix (1553-1619), Saint François d’Assise en prière devant le Crucifié, s. d. Burin, 10,1 x 7,2 cm. Rijksmuseum, RP-P-1898-A-19844.
9. Schelte Adamsz Bolswert Bolswert (vers 1586-1659), graveur, Sainte Catherine de Sienne aux pieds du Christ en croix, s. d. Burin, 13 x 8,9 cm. Rijksmuseum, RP-P-1886-A-11226.