Pour Frère Jean-Philippe Rey
Pour Frère Christophe Boureux
Concorde, le bulletin des dominicains de la Province de Toulouse l’affirme : le confinement est pour certains Frères l’occasion de retrouver les joies du jardinage.
S’émerveiller des arbustes et arbres qui explosent de fleurs tandis que le Japon fête Hanami entre autochtones.
Rire de l’écureuil dont la queue s’agite en plumeau à travers les herbes.
Prendre le temps d’écouter la bergeronnette printanière.
Puis, rentrant, découvrir que ses Frères sont des fleurs !
Il y a bien sûr les saints de l’Ordre (ici Catherine de Sienne, Dominique, Thomas d’Aquin, Hyacinthe), fleurs précieuses : rose, lys, fritillaire, tulipe…
Il y a également ces Frères fauchés trop tôt dans le martyre, tel Jean de Cologne.
Frère Jean, originaire du couvent des Prêcheurs de Cologne, était administrateur de la paroisse de Hoornaar (Hollande).
Il fut arrêté et emprisonné avec dix-huit autres religieux et prêtres qui refusaient de rejeter le dogme de l’eucharistie et la primauté du pape.
Leur mise à mort par pendaison avec tortures et mutilations préalables par les calvinistes, les Gueux de mer conduits par Guillaume II de la Marck, eut lieu à Brielle, sur la Meuse.
Le groupe reçut le surnom de Martyrs de Gorcum car onze d’entre eux étaient des membres du couvent des récollets de la ville, neuf frères prêtres et deux frères laïcs : Nicolaes Pieck, Hieronymus van Weert, Dierick ven der Eem, Nicasius Janszen van Heeze, Wilhardus van Denemarcken, Godefridus van Mervel, Antonius van Hoornaer, Franciscus de Roye et, Peter van Assche et Cornelis van Wijck.
Le groupe comptait également trois prêtres diocésains (Leonardus Vechel, Nicolaes Poppel et Govaert van Duynen), un chanoine de saint Augustin (Johannes Lenaertsz van Oosterwijk), et trois autres prêtres (Andreas Wouters, Adrianus Jansen van Hilvarenbeek et Jacobus Lacops van Oudenaarde).
La majorité des martyrs étant issus de l’Ordre des récollets, la demande de béatification fut introduite par celui-ci à l’occasion du centenaire du martyre des religieux.
En 1615, les corps furent reconnus par l’archevêque de Malines.
La béatification fut célébrée à Rome, le 24 novembre 1675, par le pape Clément X.
En 1868, après la canonisation, les reliques furent transférées dans l’église Saint-Nicolas de Bruxelles.
En 1615, lors de la reconnaissance des corps, un rejeton de plante à fleurs fut cueilli à Briele au lieu du martyre. Il ne comportait que trois ou quatre fleurs et fut enfermé dans une boîte. Deux ans plus tard, en 1617, la boîte fut ouverte et les fleurs furent alors comptées au nombre de dix-neuf, correspondant ainsi au nombre exact des martyrs de Gorcum. Sur la gravure, chaque numéro proche d’une fleur renvoie au nom de l’un des martyrs. Le numéro 17 est ici celui de Jean de Cologne et le numéro a été reporté sur la planche le figurant.
Outre la sainteté, le talent des Frères les fit également reconnaître tels des fleurs.
Ainsi, l’activité littéraire de Nicolas Coeffeteau (1574-1623) est demeurée célèbre par une maîtrise élégante de la langue française. Sa production se répartit en ouvrages d’histoire (Histoire romaine), d’ascétisme et de morale et en écrits de controverse sur l’eucharistie ou la Vierge Marie. Son talent lui valut d’être retenu pour figurer dans Le Bovqvet des plvs belles flevrs De l’Eloquence, recueil imprimé en 1625, à Paris, dans la rue Saint-Jacques, rue du grand couvent parisien. Nicolas Coeffeteau est symbolisé, en haut, à droite, par une jonquille.
Quoi de plus normal que de se pencher vers lui en ce printemps de confinement ?
À vous de voir dans les frères dominicains d’aujourd’hui des fleurs, tantôt exotiques, parfois rares, odoriférantes, éclatantes ou discrètes… en cet Éden que sont leurs couvents et bientôt, de nouveau, sur tous les chemins.
Commentaire de Françoise, spécialiste en herborisation : « La plante met toute son énergie à produire ce qu’elle a de plus beau, la fleur, afin de perpétuer le miracle de la vie. La métaphore qui identifie à des fleurs ces hommes et ces femmes qui ont littéralement brûlé pour leur foi et pour que vive l’Église semble parfaitement pertinente et loin de toute mièvrerie ».
Images de dévotion, de haut en bas et de gauche à droite
GRAVEUR ET ÉDITEUR NON IDENTIFIÉS, Sainte Catherine de Sienne, s. d. Burin, ex. sur parchemin, 13,4 x 8,3 cm. Belgique, Anvers, Ruusbroecgenootschap.
Michael SNIJDERS (1586-1672), éditeur, Saint Dominique, avant 1672. Burin, feuille : 13 x 7,6 cm; c. de pl. : 10,5 x 4,8 cm ; tr. c. : 10,15 x 4,65 cm. Belgique, Anvers, Ruusbroecgenootschap.
GRAVEUR ET ÉDITEUR NON IDENTIFIÉS, Saint Thomas d’Aquin, s. d. Burin, c. de pl. : 6,9 x 4,3 cm. Belgique, Anvers, Ruusbroecgenootschap.
GRAVEUR ET ÉDITEUR NON IDENTIFIÉS, Saint Hyacinthe, s. d. Burin, dimensions non renseignées. France, Paris, Bibliothèque nationale de France, Rd mat 2a (Hyacinthe, saint).
Portrait de Jean de Cologne et fleurs
[Les Martyrs de Gorcum (bouquet de fleurs) ; Jean de Cologne]
Jacob Adriaensz MATHAM (1571-1631), graveur
S. d. [vers 1618]
Burin
Bouquet de fleurs, tr. c. : 10,3 x 6 cm ; Jean de Cologne, tr. c. : 9,7 x 6 cm
Pays-Bas, Amsterdam, Rijksmuseum, RP-P-OB-27.037 (Bouquet de fleurs) et RP-P-OB-100.009 (Jean de Cologne).
Bouquet pour Nicolas Coeffeteau
Le Bouquet des plvs belles flevrs de l’Eloquence
Crispijn II VAN DE PASSE (1594/1595-1670), graveur
S. d. [1625]
Burin
Tr. c. : 15,9 x 9,8 cm
Titre illustré pour Jean PUGET DE LA SERRE (1600-1665), Le Bovqvet des plvs belles flevrs De l’Eloquence Cueilly dans le Jardin des Sieurs Coiffeteau. Bertaud. Malerbe. La Brosse. La Serre. Du Rousset. Daudiguier. Durphé. Du Vair. Du Perron., A Paris, Chez Pierre Billaine, rue S. Iacques a la bonne Foy. Et Chez Nicolas Bessin, soubs le maistre portail de la Cour du Palais, 1625.
France, Lyon, Bibliothèque municipale – cote : 347 A 5.