Lieke Andrea SMITS
Performing Desire.
Bridal Mysticism and Medieval Imagery in the Low Countries (c. 1100-1500).
2019
En 2019, Lieke Andrea Smits a rédigé une thèse de doctorat qu’elle a brillamment soutenue à l’Université de Leiden (Pays-Bas), le 9 janvier 2020.
Consacré à la mise en images de la mystique médiévale dans les Pays-Bas, l’ouvrage est d’un apport indispensable pour les modernistes.
En effet, le discours mystique et ses représentations au XVIIe siècle ne sont que le prolongement d’expériences mises en mots et dessinées entre les XIIe et XIVe siècles. Paroles et dessins accordent une large place au corps, à ses positions, aux gestes par lesquels s’expriment, au-delà de la dévotion, un élan amoureux et le désir. S’agenouiller, se prosterner, enlacer, embrasser, se laisser embrasser, caresser… Autant de verbes pour tenter de traduire, bien en-deça de ce qu’elle est au tréfond de l’âme, l’union intime du mystique avec son Seigneur.
De nombreux exemples sont empruntés au patrimoine dominicain, révélant sans doute des images peu connues comme, par exemple, celles de Catherine de Sienne bénéficiaire de l’amplexus christique (p. 139-142). Or, ce geste du Christ en croix embrassant sa ou son bien-aimé(e) est repris au XVIIe siècle pour dire l’intimité avec, par exemple, Alain de la Roche (voir l’huile sur cuivre conservée à la Maison Seilhan à Toulouse) ou Marie Raggi (voir sur ce site Images en séries). Lieke Andrea Smits souligne combien cette mise en image d’une expérience spirituelle intérieure posa problème dès le Moyen Âge suscitant les critiques. L’image matérialise, chosifie un mouvement de l’âme indicible et les frémissements des sens. Elle risque d’imposer une norme à atteindre alors que cette expérience est hors du commun dans ses manifestations sensibles. Elle crée un précédent et devient une référence dont la valeur est sujette à caution. L’image peinte (ou simplement dessinée) et l’image gravée s’impriment durablement dans les mémoires, orientant la vie spirituelle vers une quête de l’extraordinaire qui serait le sceau de la sainteté, alors que les vertus sont les premières garantes d’une authentique vie chrétienne. Les sens sont convoqués par la liturgie et les sacrements, notamment le toucher et le goût lors de la réception de l’Eucharistie, mais ils doivent demeurer sous contrôle afin de ne pas s’exacerber en une fausse recherche de communion avec l’Époux. De même, l’image doit pouvoir être analysée, située dans son contexte et interprétée pour ne pas entraîner le dévot ou la dévote dans la recherche d’une satisfaction personnelle.
Le travail de Lieke Andrea Smits permet de remonter à l’origine du discours sponsal visuel en Occident et c’est un apport précieux qui, espérons-le, sera suivi par des compléments d’étude.